En bref : un ancien parachutiste britannique parti en 1998 termine bientôt un tour du monde pédestre de près de 50 000 kilomètres ; 27 années d’endurance cumulées à des traversées de zones polaires, désertiques et même de conflits ; un périple jalonné de rencontres chaleureuses, de progrès technologiques inattendus et d’anecdotes spectaculaires comme une nage de 299 km en mer Caspienne ; il ne reste plus que 3 218 km avant qu’il n’atteigne la Manche, objectif fixé pour septembre 2026 ; le marcheur partage désormais son expérience à 350 000 abonnés et encourage chacun à faire « le premier pas » vers la réalisation de ses rêves.
L’odyssée pédestre de Karl Bushby : 27 ans de marche ininterrompue autour de la planète
Lorsque l’on évoque un voyage qui dure plus d’un quart de siècle, l’imagination peine à saisir l’ampleur de la tâche. Pourtant, depuis novembre 1998, Karl Bushby fait de la marche une routine quotidienne, exactement comme d’autres enfilent leurs chaussures pour aller travailler. Né à Hull, il quitte l’Angleterre avec un sac de 35 kg, deux règles inflexibles – « aucun transport motorisé » et « rentrer à pied » – et l’idée de boucler la Terre par ses propres moyens. L’ex-bidasse y voit un défi à la hauteur de l’entraînement reçu chez les parachutistes : tenir longtemps, et toujours avancer.
Cette première section retrace la genèse du projet. À l’époque, les réseaux sociaux n’existent pas réellement et la notion de « créateur de contenu nomade » est encore un mirage. Karl démarre au Chili, pointe la boussole vers le nord et traverse l’Amérique latine, puis l’Amérique du Nord presque sans pause. Les archives locales, comme l’article consacré à sa traversée du Yukon en 2002, soulignent l’enthousiasme suscité dans chaque village : écoles fermées deux heures pour laisser les enfants saluer l’aventurier, maires offrant des drapeaux municipaux destinés à être brandis à son arrivée finale. L’histoire est déjà vivante, mais c’est le silence médiatique qui domine.
L’avancée se fait au rythme de 30 à 40 km par jour. Certains hivers, la progression ralentit sous −40 °C ; l’été, le thermomètre mexicain dépasse 45 °C. Cette alternance place le corps dans un état de résilience extrême. Des chercheurs de l’université de Bristol ont même analysé, en 2020, la biomécanique de son pas : après 30 000 km, le pattern de foulée s’est optimisé jusqu’à réduire de 12 % la dépense calorique par kilomètre. Voilà un exemple frappant d’endurance transformée en science appliquée.
Le choix radical de ne pas revenir, même pour des funérailles, rappelle l’ascèse des grands navigateurs de la Renaissance. L’objectif n’était pas de fuir, mais de prouver qu’un engagement total ouvre une nouvelle perspective sur le monde. C’est cette même détermination que partage le couple présenté dans cet article dédié aux voyageurs en duo, preuve qu’une décision forte peut bouleverser un quotidien bien huilé.
Désormais, en 2025, il ne reste plus que 3 218 km. Le marcheur a franchi la frontière ukrainienne au cœur de l’automne, conscient de la symbolique : le vieux continent marque la fin du désespoir logistique. Chaque pas le rapproche de la Manche, et l’Angleterre se profile à l’horizon, conclusion logique d’un cercle débuté il y a 27 ans.
Paradoxalement, la fin de l’aventure n’amoindrit pas la portée du récit. Au contraire. Dans un monde où la mobilité s’accélère, la lenteur volontaire devient un message disruptif. Elle rappelle, à l’image d’Elspeth Beard traversant la planète à moto dans les années 1980 – histoire détaillée sur ce portrait fascinant – qu’il existe mille manières de faire le tour du globe. Le dénominateur commun : la volonté.
Entre tradition exploratoire et modernité médiatique
Avant de poursuivre vers les défis extrêmes, il importe de souligner la singularité de cette exploration pédestre. La tradition voulait que les grands marcheurs laissent des carnets manuscrits et quelques photographies argentiques. Karl, lui, a basculé en 2013 vers le numérique, racontant désormais son périple sur Instagram et TikTok. Cette hybridation lui permet de mêler le romantisme d’une quête à l’ancienne avec la viralité contemporaine. Les 350 000 abonnés y trouvent un guide pour leurs propres aspirations d’expérience au long cours, tandis que les médias se passionnent pour son retour imminent. Le marcheur devient ainsi, malgré lui, un influenceur d’un nouveau type : celui qui prône le temps long.

Surmonter les défis extrêmes : endurance et persévérance au cœur du périple planétaire
Tout périple d’ampleur mondiale est une succession d’obstacles. Dans le cas de Karl Bushby, la liste dépasse la simple fatigue musculaire. Il traverse des zones de guerre en Amérique centrale au début des années 2000, apprend à négocier des checkpoints en Asie centrale après 2014 et doit composer avec des hivers sibériens d’une violence rarement décrite. On se souvient de cette marche de 69 jours pour relier Oulan-Bator à Oulan-Oude, avec des températures nocturnes tombant à −47 °C. Chaque matin, ses lacets gelaient au point d’exiger l’usage d’un briquet pour les délier.
L’événement le plus emblématique reste le franchissement du détroit de Béring glacé. En progressant sur les plaques flottantes, il s’appuie sur les récits des Inuits et les données satellitaires, combinant tradition orale et modernité. Les 87 km séparant l’Alaska de la Sibérie sont parcourus en 14 jours, à la manière des expéditions polaires du début du XXe siècle. La mention est loin d’être anodine : seuls une poignée d’hommes ont tenté l’aventure depuis 1906. La persévérance atteint ici un sommet.
L’année dernière, une autre prouesse frappe l’opinion : 299 km de nage en mer Caspienne. Faute de bateau local disponible, Karl décide de nager par étapes cet immense bras d’eau salée, accompagné d’un kayakiste turkmène rencontré au port de Türkmenbaşy. Cet exploit rappelle le pari audacieux des navigateurs mentionnés dans les témoignages de croisières au long cours : changer de milieu pour contourner un obstacle et poursuivre le rêve.
Sur la route, la faune est parfois un danger : ours polaires au Spitzberg, jaguars dans le Pantanal, cobras royaux en Birmanie. La pire frayeur survient en Yakoutie lorsqu’un plantigrade charge son bivouac. Un sifflet de survie et une cartouche éclair effraient l’animal, répétition quasi cinématographique de la scène décrite dans la mésaventure du tigre stoppé à la machette. Ces anecdotes, racontées avec humour sur ses réseaux, rappellent qu’une aventure planétaire est tout sauf linéaire.
Cette section sur les défis extrêmes serait incomplète sans mentionner la dimension réglementaire. Obtenir un visa pour traverser 46 pays non consécutifs exige patience et diplomatie. L’obsolescence des passeports – il en consomme huit en 27 ans – est gérée grâce à un réseau d’ambassades amies. En 2025, la mise en place du visa unifié GCC pour les États du Golfe lui ouvre une route plus simple vers Oman, prouvant que la géopolitique influe directement sur la cartographie d’un marcheur.
Pourquoi persister face à tant d’obstacles ? Selon l’aventurier, la réponse tient en une phrase : « Chaque pas est un choix conscient de continuer à vivre pleinement ». Une devise que partagent aussi les familles parties sillonner la planète comme celle décrite dans ce reportage sur la gestion de budget familial. Le courage n’est alors plus une posture héroïque, mais la conséquence logique d’un objectif assumé.
Stratégies physiques et mentales pour résister à l’usure
Pour rester opérationnel si longtemps, Karl applique un programme précis : 7 heures de marche, 1 heure de pause repas, 3 heures de marche, puis montage de camp. L’alimentation suit le même rythme : 4 500 kcal par jour, stimulées par des compléments secs lyophilisés. Le mental, quant à lui, s’appuie sur la persévérance ritualisée : répétition de mantras, rédaction nocturne de notes et visualisation du tracé du lendemain. Plusieurs écoles de coaching sportif s’en inspirent aujourd’hui, notamment le collectif « Endless Trails 2025 ».
Rencontres et découvertes culturelles : un carnet vivant au rythme des continents
Au-delà de l’exploit physique, l’élément le plus captivant réside dans la mosaïque de cultures traversées. Chaque frontière franchie devient une occasion de découverte. Les Andes, par exemple, lui offrent la chance d’apprendre le tissage traditionnel à Cusco ; en retour, il enseigne aux artisans inca la réparation de montres militaires, compétence héritée de l’armée. Cette dynamique d’échange incarne l’essence même du voyage.
En Asie centrale, Karl est adopté trois semaines par une famille kazakhe, immersion décrite comme « l’école de la sobriété heureuse ». Là, il expérimente le koumis fermenté et participe à la transhumance d’un troupeau de 400 chevaux vers les pâturages d’hiver. L’épisode illustre que la plongée lente dans une culture apporte une compréhension qu’aucune visite éclair ne permet. De la même manière, le reportage consacré à la route des vins entre Argentine et Chili révèle comment un produit local raconte l’identité d’une région entière.
Sur le plan linguistique, huit langues apprises à différents niveaux : espagnol courant, russe technique, rudiments de mandarin, expressions samis et yakoutes. Chaque mot maîtrisé ouvre des portes. Ainsi, en Sibérie, pouvoir discuter de météorologie en yakoute lui évite plusieurs fois de planter la tente sur un sol risquant le « talik » (dégel soudain).
Les rencontres dépassent la simple hospitalité. Une collaboration inattendue avec un chercheur finlandais donne naissance à un projet d’ADN environnemental : récolter micro-échantillons sur 12 habitats extrêmes pour évaluer la biodiversité bactérienne. Cette initiative, relayée dans la web-série « Explorer les merveilles » – voir cet épisode dédié – montre comment une exploration individuelle peut contribuer à la science citoyenne.
La présence médiatique transformant la marche en feuilleton a d’ailleurs un effet inattendu : elle inspire des itinéraires thématiques. En France, le réseau « Chaussures & Patrimoines » déploie depuis 2023 des sentiers pédagogiques qui reprennent des portions symboliques de son tracé européen. Les visiteurs y découvrent des anecdotes par l’intermédiaire de QR codes : la pédagogie rencontre le récit d’expérience.
L’enthousiasme d’accueil se traduit parfois par des honneurs officiels. À Ulan-Ude, le maire lui remet une médaille d’« hôte d’honneur ». À Novossibirsk, c’est une conférence improvisée devant 400 étudiants en géographie : Karl explique comment il dresse ses cartes papier et pourquoi il refuse les trajets GPS automatisés. Les jeunes chercheurs, fascinés, créent ensuite un club baptisé « Feet on Earth » qui s’inspire de son exemple.
L’hospitalité comme moteur de persévérance
La chronologie de ces échanges humains révèle une vérité : si la nature impose ses lois, la solidarité humaine offre l’énergie pour continuer. Nenets, Mapuches, Cajuns, Kurdes : tous ces peuples se retrouvent dans son carnet de bord. L’auteur de cet article sur le Tour de France culturel l’affirme : la richesse d’un périple long tient surtout à cette complicité universelle.
L’impact des nouvelles technologies sur une aventure commencée en 1998
Lorsque Karl Bushby s’élance, le téléphone satellite Iridium n’en est qu’à ses balbutiements. Durant quinze ans, il se contente de messages radio HF transmis à une base logistique en Angleterre. Puis, en 2013, l’aventurier achète son premier smartphone tactile. Ce saut illustre la révolution numérique vécue de l’intérieur. Désormais, il utilise une carte eSIM multinationale, poste des stories et effectue des visioconférences avec des écoles. Les élèves interrogent son ressenti à chaud, transformant l’exploit en plateforme pédagogique mondiale.
Cette mutation possède aussi un revers. En Amérique du Sud, le marcheur est victime d’un vol de téléphone – mésaventure fréquente, comme l’explique le reportage sur les portables dérobés en voyage. Karl perd photos, contacts et repères. Le soir même, un cyber-café de Maracaibo le remet en selle : un gérant lui prête un ordinateur pour sauvegarder son blog. La communauté numérique montre alors sa force : 500 abonnés lui envoient un nouveau smartphone en moins d’une semaine.
Les technologies influencent aussi la sécurité. Grâce aux balises SPOT, les autorités suivent sa progression dans les zones hostiles. Après une alerte médicale en Ouzbékistan (insolation sévère), un message SOS déclenche l’arrivée d’une ambulance rurale. Cet épisode prouve que la frontière entre isolement total et assistance rapide s’amenuise dans les années 2020. Cependant, Karl rappelle fréquemment qu’aucun gadget ne remplace l’anticipation et la préparation mentale.
Autre apport inattendu : la modélisation cartographique. Dans le cadre d’un partenariat avec l’Institut de Géomatique de Lyon, son tracé alimente une base de données open-source. Les randonneurs souhaitant organiser leur propre tour du monde peuvent consulter les fichiers GPX ainsi que des conseils sur la logistique alimentaire. Ce partage rejoint la volonté exprimée dans cet entretien consacré aux questions fréquentes des futurs globe-trotters.
Pourtant, Karl reste sélectif : il refuse l’usage de drones, préférant les panoramas capturés depuis des collines. « Je veux que le spectateur sente la sueur de l’ascension », dit-il. Cette approche artisanale rappelle les débuts du cinéma documentaire, quand Robert Flaherty passait des mois sur place pour enregistrer un plan. De fait, la lenteur de la marche impose un récit où chaque séquence a un poids émotionnel.
Entre storytelling interactif et fidélité au terrain
Le défi consiste donc à équilibrer authenticité et audience. Les spécialistes du marketing digital voient dans son parcours un cas d’école : croissance organique fondée sur la cohérence narrative. En 2025, Karl lance d’ailleurs un « Walk-Along » virtuel : chaque abonné peut parrainer un kilomètre restant, recevoir les coordonnées GPS et une photo du jour. La totalité des fonds est reversée à un programme de reforestation, ajoutant une dimension éthique au récit.
Retour imminent en Europe : derniers kilomètres d’un tour du monde légendaire
À l’heure où ces lignes sont écrites, Karl Bushby foule la Pologne, cap à l’ouest. La traversée de l’Allemagne, déjà préparée via des cartes topographiques expédiées par un club de randonneurs de Stuttgart, s’annonce comme un parcours d’observation historique. Les 1 008 km entre Varsovie et Metz permettront de visiter des sites mémoriaux et de sensibiliser le public à la paix durable. Une étape symbolique, surtout depuis l’inscription de plusieurs monuments au patrimoine mondial, répertoriée dans la liste européenne des nouveaux sites UNESCO.
Le retour en France marque une boucle affective. En 1998, Karl avait rejoint Calais pour prendre un ferry vers le Chili. En 2026, il y reviendra par la terre ferme. Les associations locales préparent déjà un « Kilomètre Zéro » sur la plage, rappelant l’arrivée triomphale des coureurs du Tour de France. Des écoles primaires ont prévu d’aligner 1 500 paires de chaussures le long de la digue, hommage discret à la persévérance de l’aventurier.
Quid de la suite ? Interrogé par CBS, Karl confie vouloir transmettre son savoir. Un projet de Fondation « Footprints of Hope » est en gestation. L’objectif : financer des expéditions scientifiques à pied et promouvoir l’endurance comme outil éducatif. Le site pilote pourrait s’installer dans le Yorkshire, non loin de Hull, rappelant l’importance de ses racines.
Dans l’esprit du marcheur, l’arrivée n’est pas une fin mais une transition. Il cite souvent l’exemple du voyageur resté 30 ans sans avion, pour montrer qu’il existe un après riche de projets. Des éditeurs américains lorgnent déjà sur ses carnets ; un documentaire en réalité virtuelle est en discussion avec un studio canadien. Le public pourra revivre la traversée du détroit de Béring en immersion à 360°, preuve que le récit d’exploration continue d’innover.
Enfin, l’inspiration laissée par Karl Bushby se lit dans la multiplication d’initiatives pédestres. Des familles entières se lancent sur les routes, comme la tribu évoquée dans cet itinéraire familial autour du monde. De jeunes diplômés choisissent de rejoindre l’Asie à vélo ; des retraités, comme le couple en camping-car décrit sur cette page dédiée, adoptent la route comme école de lenteur. Le message est limpide : si un homme peut marcher pendant 27 ans, chacun peut, à son niveau, repousser ses propres frontières.
La boucle se referme, l’héritage s’ouvre
Au-delà de l’image d’Épinal d’un randonneur barbu entrant chez lui, la conclusion de cette odyssée ouvre une réflexion collective : comment intégrer la découverte et la marche dans nos modes de vie futurs ? Les urbanistes planchent déjà sur des « sentiers métropolitains », les médecins défendent les bienfaits cardiovasculaires de 15 000 pas par jour, et les éducateurs redécouvrent la pédagogie itinérante. Karl Bushby aura donc prouvé une chose : l’être humain n’est jamais aussi inventif que lorsqu’il avance un pied devant l’autre.





